Présenté en commission parlementaire depuis le 17 mars dernier, le projet de loi Santé de la ministre Marisol Touraine devrait exposer une refonte de l’étiquetage de nos produits alimentaires. Un système d’information nutritionnel simplifié qui n’a pas encore vu le jour, mais qui semble déjà inquiéter les distributeurs qui ont d’ores-et-déjà proposé leur propre typologie.
En proposant de modifier l’étiquetage traditionnel de nos aliments faisant figurer la teneur des éléments nutritifs (glucides, protéines, lipides) pour une portion de 100 grammes, ce sont finalement deux philosophies qui s’opposent entre information du consommateur et refus de stigmatiser catégoriquement quelque aliment que ce soit. Une information facultative d’après la loi, mais qui suscite pourtant la controverse.
L’initiative de la FCD fondée sur la fréquence de consommation
C’est à la veille même de la présentation du projet de loi de la ministre que la Fédération des Commerçants et Distributeurs (FCD) a décidé de prendre les devants en présentant son propre système d’étiquetage nutritionnel des aliments.
Du côté de la FCD représentant aujourd’hui la quasi-totalité du secteur de la grande distribution (Carrefour, Auchan, Casino, Système U…), à l’exception de Leclerc et Intermarché, on a en ainsi opté pour des flèches de couleurs indiquant la fréquence de consommation de chaque aliments en fonction de leurs apports nutritionnels respectifs. Si le vert signale ainsi un aliment dont la consommation pourra être quotidienne, le violet caractérisa à l’inverse un aliment dont l’équilibre nutritionnel, jugé plus discutable, ne poussera qu’à une consommation occasionnelle. Entre les deux, une flèche bleue (consommation plusieurs fois par semaine) et une flèche jaune/orange (consommation 1 à 2 fois par semaine).
En priorité, les distributeurs assurent pouvoir apposer d’ici quelques mois leur système d’étiquetage sur leurs propres produits – représentant entre un tiers et la moitié des ventes en grande surface – avant de pouvoir l’étendre à ceux des industriels et grandes marques du secteur alimentaire, eux aussi hostiles à la proposition du ministère de la Santé.
Un projet ministériel orienté vers la qualité nutritive des aliments
Volet relativement peu médiatisé de la loi Santé, la mise en place d’un système d’information nutritionnel simplifié a en effet attiré l’attention des distributeurs.
Mais si la ministre de la Santé Marisol Touraine n’a toujours clairement pas désigné le système d’étiquetage retenu par le ministère, celle-ci s’est pourtant dite très intéressée par celui présenté dans un rapport présenté fin 2013 par le Professeur Serge Hercberg. Son principe, apposer des pastilles colorées (vert, jaune, orange, rose, rouge) afin de mieux identifier les produits alimentaires en fonction de leur teneur en sucre, en gras ou en sel. Une approche fondée sur les qualités intrinsèques de l’aliment, non sur la fréquence de consommation, et aujourd’hui largement approuvée par les sociétés savantes de nutrition.
Un système également soutenu par UFC-Que Choisir. Au travers d’un test-réalisé sur 300 produits, l’association y avait en effet vu un « bon révélateur de la diversité des produits » établissant notamment des distinctions au sein d’une même catégorie de produits. Ainsi, pour des brioches figurant dans un même rayon, l’une pouvait présenter une pastille de couleur verte, l’autre une pastille orange ou rouge. Qualifiant encore l’approche d’« outil informatif et éducatif au service des consommateurs » et d’« antidote efficace au marketing nutritionnel », l’association avait même appelé à ce que le système des pastilles colorées figure au projet de loi Santé pour 2015.
Entre sensibilisation à une alimentation saine et équilibrée et refus de stigmatiser aucun aliment, ni aucun produit, la ministre devra ainsi achopper sur la mise en place d’un système équilibré bénéficiant aussi bien aux consommateurs qu’aux distributeurs. Un compromis qui sera d’autant plus difficile à trouver que la FCD a d’ores-et-déjà annoncé vouloir implanter son propre système dans les mois à venir… Affaire à suivre.